Le propos n’est pas ici de discuter de la légitimité politique du mouvement des gilets jaunes, de sa porosité avec les thèses des partis extrémistes ou de l’importance qu’y ont les casseurs. D’un point de vue juridique, la distinction entre ce qui est légitime et ce qui légal n’a pas voix au chapitre : dans un état de droit, ce qui est légal est légitime.
Les gilets jaunes se plaignent de violences policières alors qu’ils manifestent pacifiquement. Ignorent-ils qu’une manifestation doit être déclarée pour être légale et qu’une fois déclarée, les manifestants doivent s’en tenir au parcours annoncé. Les forces de l’ordre agissent en toute légalité lorsqu’elles bloquent des manifestants « hors circuit » et les attroupements sauvages, conformément aux dispositions des articles 431-1 à 431-8 du Code pénal pour ce qui est de la « participation délictueuse à un attroupement » et des articles 431-9 à 431-12 s’agissant des « manifestations illicites et de la participation délictueuse à une manifestation ou à une réunion publique ». Par conséquent, l’usage de grenades lacrymogènes, de canons à eaux, voire de flashball ou de matraques est également légal, dès lors qu’il est proportionné et vise à libérer la voie publique ou empêcher son occupation.
Ainsi, sur le fondement des articles précités, empêcher les entreprises et commerçants de travailler tout comme s’installer « pacifiquement » sur la voie publique et ainsi entraver la liberté de circuler sont des délits passibles de sanctions pénales.
Il est un autre pilier de toute société de droit : l’égalité du citoyen devant la loi. Force est de reconnaître que d’autres rassemblements ou manifestations sont organisés sans être déclarés. Mais il faut distinguer le rassemblement ponctuel sur une place piétonne (comme c’est souvent le cas place de la République à Paris) de l’entrave désormais hebdomadaire à la circulation et au commerce sur une large échelle, indépendamment des faits de violence et de vandalisme qui peuvent se produire durant une manifestation déclarée ou non.
Les revendications des gilets jaunes amènent une autre question certes juridique, mais également politique au sens noble du terme : la voix du peuple doit-elle toujours être entendue ou certaines valeurs fondamentales lui sont-elles supérieures. Dans notre système de droit, encadré par la Constitution de 1958 et plusieurs conventions internationales, en particulier la Convention européenne des droits de l’homme et le traité de l’Union européenne, le peuple n’est pas totalement souverain. Il ne peut décider, ni par référendum, ni par le biais de ses représentants élus, de rétablir la peine de mort, d’instaurer des règles discriminatoires ou raciales, de toucher à l’indépendance de la justice ou à celle de la presse, de déchirer les traités internationaux ratifiés... Les partis extrémistes privilégient généralement la souveraineté absolue du peuple, du moins jusqu’à ce qu’ils soient au pouvoir !
Raymond Taube
Directeur-fondateur de l'IDP
Formations présentielles, visio et e-learning