Le 16 février 2017, l’examen de la proposition de loi visant à la levée générale du secret professionnel des travailleurs sociaux, en matière de soupçon de terrorisme, fut une nouvelle fois renvoyé à une date ultérieure.
Cela vous a sans doute échappé. Et pour cause, le débat a lieu devant le parlement… de Bruxelles, non pas celui de l’Europe, scindé entre Strasbourg et Bruxelles, mais celui de Belgique. Les travailleurs sociaux français ne sont donc pas concernés… Pour le moment.
Car cela fait quelques temps déjà qu’au sein des pouvoirs publics français, certains s’interrogent sur le rôle des travailleurs sociaux dans le traitement, voire la détection – et donc le signalement – de la radicalisation. Sous le titre « Est-il obligatoire de signaler la radicalisation ? », j’avais publié, en août dernier, une analyse des différentes hypothèses de signalement et par voie de conséquence, de levée du secret professionnel. Il en ressortait qu’il n’existait pas d’outils dédiés à ce type de situation, si ce n’est le numéro vert mis en place par le ministère de l’intérieur, mais qui ne peut concerner les professionnels astreints au secret pour les faits dont ils ont à connaître dans l’exercice de leurs fonctions, sauf situations extrêmes.
J’avais également constaté, à l’occasion de formations animées pour des travailleurs sociaux, que dans certains départements, le service de l’Aide Sociale à l’Enfance rechignait à considérer qu’il existait un risque de danger justifiant une « information préoccupante » avec levée du secret professionnel, tant qu’il n’y avait pas de départ imminent pour des lieux de conflit. La recrudescence de la déscolarisation dans certains secteurs, au bénéfice d’écoles islamistes radicales souvent clandestines (http://blog.francetvinfo.fr/oeil-20h/2017/01/31/islamisme-radical-ces-ecoles-qui-inquietent-la-republique.html), pourrait toutefois inciter les services départementaux à réviser leur position, faute de quoi le législateur pourrait s’en charger. En effet, lors des rencontres Etats-territoires du 24 octobre 2016 (http://www.gouvernement.fr/rencontres-radicalisation), il avait été évoqué à plusieurs reprises le rôle des travailleurs sociaux dans la lutte contre la radicalisation. Toutefois, rien ne semblait très clair quant à la nature et la forme de leur intervention dans le processus de radicalisation. Serait-ce au stade de la prise en charge des radicalisés, alors que les centres de déradicalisation, tout comme les unités dédiées en maisons d’arrêts, se sont révélés être de cuisants échecs ? Serait-ce au stade de la détection et donc du signalement, ce qui emporterait levée du secret ? Et dans cette hypothèse, cette levée serait-elle facultative ou obligatoire, comme le prévoit la proposition de loi belge ? De toute manière, le législateur qui, en France, s’emparerait de ce sujet, sera nécessairement issu des prochaines élections législatives, dont le résultat est encore plus imprévisible que celui de l’élection présidentielle. Par ailleurs, une recrudescence du terrorisme peut aussi conduire à des inflexions du droit.
En Belgique, les travailleurs sociaux, soutenus par l’opposition, sont fortement opposés à la levée obligatoire de leur secret professionnel, au point de manifester devant le Parlement. Il en irait probablement de même en France, sauf actualité dramatique qui balayerait nombre de réticences, à tort ou à raison.